Le flottage

Le transport du bois par flottage sur les rivières est sans doute vieux comme le monde, mais c'est dans le Morvan que la technique a atteint sa perfection au cours des derniers siècles.

Au début du XVIème siècle, Paris man­quait de bois pour se chauf­fer, les forêts avoi­si­nan­tes ayant été petit à petit dé­vas­tées à l'ex­cep­tion du Do­mai­ne Royal, par dé­fi­ni­tion in­tou­cha­ble. C'est alors que différentes tentatives eurent lieu pour transporter du bois à Paris par flottage sur les rivières (l'Yonne, la Cure, affluent de l'Yonne, puis la Seine affluent de l'Yonne et qui traverse Paris). Si la technique fut mise au point par Charles Lecomte, c'est Jean Rouvet, un négociant parisien, qui organisa le commerce. C'est ainsi que le premier train de bois arriva à Paris le 20 avril 1547 au quai des Célestins.

Deux ou trois étapes étaient nécessaires pour atteindre Paris : le flot (unique sur la Cure, divisé en petit et grand flot sur l'Yonne) acheminait le bois "à bûches perdues" jusqu'aux points de regroupement de Clamecy (Yonne) ou Vermenton (Cure). La dernière étape consistait à construire des trains pour aller jusqu'à Paris.

Le flottage à bûches perdues

Le bois cou­pé au dé­but de l'hi­ver est en­tre­po­sé pen­dant un an. Après la foi­re au bois de Châ­teau-Chi­non qui a lieu à la Tous­saint, les bû­ches sont mar­quées par mar­te­lage. En amont des ri­vi­ères des bar­rages ont été cons­truits. L'eau accumulée est brus­quement lâchée créant un flot dans lequel les bûches sont pré­ci­pi­tées. Elles at­teignent ainsi le point de ras­sem­ble­ment, c'est le petit flot. Les "poules d'eau", montés sur les bûches, et les "can­ton­niers", à ter­re, per­met­tent le fran­chis­se­ment des obs­tacles à l'aide de crocs.

Au printemps, la même opération, appelée à présent grand flot, conduit les bûches à Clamecy ou Vermenton. Les "triqueurs" récupèrent les bûches et les trient en fonction de leurs marques avant de les empiler.

Pendant l'été, période de chômage, ont lieu des joutes qui permettent de désigner le "roi-sec" qui sera pour un an le chef des flotteurs.

Les trains de bois

A la fin de l'été, alors que le ni­veau de l'eau re­mon­te, des trains sont cons­ti­tués. Les bû­ches sont as­sem­blées sous la res­pon­sa­bi­li­té du "flot­teur" qui sera res­pon­sa­ble du trans­port. Pour cela, il est assisté d'un "tordeur" (chargé de préparer les coupons avec les grosses bûches et de les lier avec les rouettes), d'un "approcheur" (chargé de l'approvisionnement en bois), d'un "garnisseur" qui consolide les coupons en y introduisant de petits morceaux de bois avec un maillet et de deux "compagnons" (l'un est chargé de consolider l'assemblage du coupon, l'autre assemble les coupons entre eux. Ils construisent les coupons qui sont ensuite assemblés de la manière suivante : sept coupons et deux labourages (coupons avant et arrière) constituent un demi-train. Un train entier représente environ 200 stères de bois, soit 200 m3.

Un nouveau lâché d'eau, "l'éclusée", lance le train en direction de Paris. Le flotteur est debout à l'avant du radeau, tenant en main sa perche. Un apprenti, installé à l'arrière, l'aide pour la partie du trajet la plus difficile, c'est à dire le début. Le train mettra une quinzaine de jours pour atteindre Paris. Le flotteur aide au franchissement des obstacles, de jour comme de nuit, car le train ne s'arrête jamais.

Vers la fin du voyage, les trains sont parfois halés par des chevaux pour atteindre les ports de Charenton ou de Bercy où ils seront démontés. Le flotteur regagnera à pied son Morvan natal en quatre jours.

La fin du flottage

Du 16ème jusqu'au début du XXème siècle, l'exploitation des quelques 50.000 ha de forêts du Morvan a permis d'alimenter Paris en bois de chauffage. La concurrence du charbon comme combustible, des bateaux et du chemin de fer comme moyen de transport ont mis fin au flottage. Après la disparition des trains de bois, le flottage à bûches perdues a continué jusqu'en 1923 sur l'Yonne et 1927 sur la Cure.

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